Le tutorat : un suivi personnalisé au coeur de la relation éducative

Bien que le tutorat s’effectue dans le cadre scolaire, il est important de toucher les différentes sphères pouvant influencer la motivation et l’engagement des élèves. Les axes d’accompagnement doivent aborder les stratégies cognitives et le cheminement scolaire de l’apprenant, mais les tuteurs doivent aussi questionner et s’intéresser aux domaines extrascolaires des tutorés : la sphère psychosociale, la sphère relationnelle et la sphère professionnelle. Les échanges visent la communication et le maintien ou le rehaussement d’un lien significatif, mais le dialogue doit surtout soutenir la métacognition. Amener les élèves à réfléchir sur leur cheminement scolaire, les accompagner dans la réalisation de leurs projets de vie, les soutenir dans la définition et la réalisation de leurs valeurs, n’est-ce pas un privilège pour un enseignant? C’est ce que le suivi éducatif par le tuteur favorise.

Les résultats des recherches sont unanimes : le suivi personnalisé est une stratégie à fort impact sur une relation éducative de qualité. Bien des écoles mettent en place des structures de tutorat, mais les conditions de déploiement sont variables (CSE, 2017). Il demeure donc important pour un établissement scolaire de réfléchir en équipe-centre à la définition même du tutorat. D’ailleurs, tous les acteurs (enseignants et ressources éducatives) doivent être consultés pour s’engager dans cette prémisse. En incluant tous les intervenants d’un centre de formation, un climat de confiance se dégage du milieu, facteur important de protection pour la réussite éducative. Des acteurs pédagogiques bienveillants permettent aux élèves de s’épanouir à leur façon et que ces apprenants iront consulter les ressources (humaines, matérielles) mises à leur disposition en cas de besoin. L’incidence des relations bienveillantes agirait sur la motivation scolaire, mais aurait aussi un impact indirect sur l’estime de soi et la perception de compétences (Deci et Ryan, 2017, Viau 2009).

Si la mise en place d’un système de tutorat demande une concertation, la formation des intervenants doit l’être également. Dans cette perspective, les professionnels tuteurs doivent acquérir des compétences relationnelles tels l’écoute active, l’empathie, la reformulation, le questionnement, le reflet, etc. Le soutien des services éducatifs complémentaires doit être mis à profit tant dans la formation initiale que dans la formation continue (CTREQ, 2015). Le rôle des conseillers pédagogiques, des éducateurs spécialisés, des orthophonistes, des psychoéducateurs, des orthopédagogues et de la direction est complémentaire aux suivis personnalisés qu’offrent les enseignants qui ne sont pas tous habiletés à jongler avec des situations plus délicates. L’interdépendance de tous les acteurs prend aussi tout son sens dans le tutorat. Les enseignants ne doivent pas sentir que la tâche s’alourdit avec un suivi personnalisé et que le recours aux autres intervenants ne doit pas être vu comme une faiblesse professionnelle, mais bien comme un atout majeur pour tous. Les enseignants- tuteurs doivent comprendre que l’objectif est de travailler ensemble et que les ressources professionnelles gravitant autour d’eux et des élèves peuvent être utilisées. Par contre, les enseignants demeurent les intervenants pivots de leurs élèves. En ce sens, le rôle-conseil des autres intervenants est mis à contribution et la référence à des services spécialisés peut se faire lorsque des interventions universelles sont réalisées, documentées, mais sont insuffisantes pour l’épanouissement des élèves.

Les vignettes cliniques peuvent soutenir l’équipe-centre à harmoniser et à hiérarchiser les interventions. Les discussions lors des études de cas sont riches : les intervenants sont engagés dans la recherche de solutions et le partage de pratiques est efficace. Ces moments de codéveloppement permettent de solidifier le lien entre les intervenants, ce qui influe positivement le climat scolaire. Aussi, les vignettes cliniques peuvent être un bon endroit pour définir les rôles et les responsabilités de chacun : ce qui appartient à la gestion de classe, ce qui devrait être traité en tutorat, ce qui devrait être discuté en département, ce qui requiert de l’aide en classe, ce qui requiert une aide spécialisée à l’extérieur de la classe et finalement, ce qui requiert une intervention de la direction.

Plusieurs intervenants n’ont pas développé le réflexe de consigner leurs interventions autre que les résultats chiffrés. Bien que quelques professionnels aient comme obligation de consigner leur suivi (ex. ordre des psychoéducateurs, des conseillers en orientation), les écrits sont souvent manquants dans l’historique scolaire des élèves. Certes, certaines informations doivent demeurer confidentielles. Des besoins et des interventions doivent être connus du personnel afin d’appuyer les moyens et les adaptations pour un plan d’action ou un plan d’aide à l’apprentissage. Par ailleurs, la consignation permet d’éviter l’éparpillement des ressources. Le choix d’une plateforme sécurisée permet d’avoir accès à de l’information avant les rencontres de tutorat et permet, au tuteur comme aux autres intervenants, de mettre par écrit le suivi en inscrivant les interventions à mettre en place pour la prochaine rencontre (RÉCIT FGA, 2021). La régulation des interventions doit se faire avant d’en ajouter d’autres. En ce sens, les rencontres en suivi personnalisé doivent débuter par un rappel des objectifs de la dernière rencontre.

En comité de suivi, il importe de faire des pratiques de consignation en suivant les étapes de réalisation :

1. Les données subjectives

2. Les observations et les manifestations

3. La compréhension de la situation

4. Les interventions et les mécanismes de suivi

Pour les élèves, savoir que les intervenants se concertent et prennent des notes pour assurer leur réussite éducative aura pour effet de diminuer leur anxiété (Bissonnette et Massé 2015). Bien entendu, la confidentialité de certains sujets doit être respectée, mais pour la mise en place de moyens universels, la consignation est une stratégie efficace tant pour les élèves que pour l’équipe.

Le tutorat permet de mieux connaître les élèves, leurs passions, leurs préoccupations, leurs enjeux. Par des rencontres formelles et informelles servant à s’occuper des sphères pédagogiques, mais aussi cognitives et affectives, les enseignants développent leurs expertises en tant que pédagogues, mais aussi en tant qu’intervenants ayant un réel impact sur les jeunes. L’EFFET ENSEIGNANT prend tout son sens et renforce l’importance du rôle de l’éducation. Un centre de formation est beaucoup plus que des salles de classe; le centre est un lieu sécurisant, bienveillant et où les adultes se connaissent et s’actualisent au gré des activités pédagogiques et des échanges.

Bissonnette, Steve. Massé, François. (2015). Des pratiques exemplaires en Ontario. Pour prévenir le décrochage scolaire. Le Réseau Edcan

Conseil supérieur de l’éducation. (2017). Pour une école riche de tous ses élèves : S’adapter à la diversité des élèves, de la maternelle à la 5e année du secondaire. Avis au ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport.

CTREQ (2015). Le tutorat au secondaire : un soutien pour tous les élèves. Cadre de référence. Site du CTREQ

CTREQ (2016). La pratique réflexive comme outil de développement professionnel. Site du Réseau d’information pour la réussite éducative.

Ryan, R. M. et Deci, E. L. (2017). Self-determination theory. Basic psychological needs in motivation, development and wellness. Revue québécoise de psychologie

Drolet, Alain. (2017). Quand la relation avec nos élèves est difficile! Des liens à comprendre et des outils à considérer. Site de l’AQIFGA

Les fonctions tutorales. Site RÉCIT FGA

Rodet, Jacques. (2020). Pratiques du tutorat à distance. JIP éditions

Rousseau, Nadia. Dumont, Michelle. (2016) Les 16-24 à l’éducation des adultes : Besoins et pistes d’intervention. Presse de l’Université du Québec

Viau, Rolland. (2009). La motivation à apprendre en contexte scolaire. ERPI